En guise d'ouverture, un texte de 2010.
" J’ai été instit’, puis prof’ des
écoles, de 1973 à 2010. J’ai enseigné à plus d’un millier d’enfants. J’ai connu
leurs parents, des écoles en ville et des écoles de campagne, une dizaine
d’inspecteurs et davantage de ministres. J’ai vécu d’innombrables
réformes, plusieurs plans de lutte contre l’illettrisme, toutes les évolutions du
métier, mais lorsque je fais le bilan, je suis triste : le résultat de
tout ça est une désolation ; « l’école de la République », avec
ses beaux principes, est partie à vau-l’eau. Ce qu’il en reste n’est qu’une affligeante
farce car désormais, chers parents, usagers du service public d’éducation, vous
ne pourrez vraiment plus compter que sur vous-même pour faire réussir vos
enfants. Quant à vous, mes chers collègues, vous pourrez vous mettre sur la
tête, réclamer de nouveaux moyens, remédier à tours de bras, vous ne sauverez
pas un seul de vos élèves. Non, je ne plaisante pas. Depuis quarante ans, sous
prétexte d’éradiquer l’échec scolaire, on a fait exactement ce qu’il fallait
pour que la situation empire. Si vous avez la patience de me lire, je me targue de vous en convaincre.
Une tempête a soufflé
sur la société française, l’échelle des valeurs en a été chamboulée. Et nous, enseignants et parents, au lieu de rester fidèles
au cap, de tenir bon le gouvernail de notre charge, au lieu de conserver bien
en mire le souci de faire de nos enfants des adultes instruits, cultivés,
rigoureux, responsables, indépendants, respectueux, d’une haute moralité, bref éduqués,
nous avons fait relâche et pris l’air du temps - du bon temps. Des experts,
pédagogues, psychologues, pédiatres, poussés en avant parce que
chantres de l’évolution libérale de la société, idolâtres du progrès, de la
modernité à tout prix, nous ont tout à coup servi un tas de beaux discours, tour à tour culpabilisants et rassurants, destinés à justifier a
posteriori la dégradation des conditions de vie et de développement des enfants.
Ces pontes de la recherche
pédagogique prétendaient que les méthodes d’éducation de nos aïeux n’avaient
fait que des ravages, que l’enfant avait changé, qu’il était grand temps de
nous adapter au siècle et à cette nouvelle humanité, qu’il n’y avait qu’à les suivre, eux qui savaient si bien comment
s’y prendre. Ils expliquaient que les parents accaparés par la nécessité de
travailler ne devaient pas se culpabiliser de n’être pas présents, que la
qualité de la relation avec les enfants remplaçait avantageusement la quantité,
qu’il n’était pas forcément mauvais, et sans doute même profitable du point
de vue éducatif, que les petits reçussent leur dose quotidienne de télé, qu’il fallait que l’adulte s’abaissât au niveau de l’enfant, quitte à
parler le langage de la rue, à l’école aussi, que ce n’était pas très grave si
on ne savait pas calculer puisqu’il y avait des calculettes, qu’il était inutile
de bien écrire puisque la calligraphie est la science des ânes, que maîtriser
l’orthographe était secondaire puisque n’importe quel traitement de texte
comprenait désormais un correcteur... Il fallait tout revoir !
Et le piège de la bonne conscience, pourtant gros comme
une maison, s’est refermé sur nos inquiétudes et nos scrupules. C’est en effet avec bonne conscience que l’enfant d’aujourd’hui, comme beaucoup de mes
derniers élèves, est levé à six heures du matin pour être à sept heures déposé à
l’accueil périscolaire, parce que ses parents doivent foncer à leur
travail, qui est à au moins une heure trente de trajet avec les embouteillages. C’est
ainsi que l’enfant patiente encore une heure trente avant de faire son temps d’école
entrecoupé par le passage à la cantine, puis retourne au périscolaire jusqu’à
dix-huit heures trente, si les parents ne sont pas encore dans les embouteillages. C’est
comme ça que cet enfant nomade ne pose finalement son sac que vers sept heures
du soir. Un peu de télé tandis qu'on lui prépare à manger - un plat de lasagnes
surgelés passés au four à micro-ondes -, un peu de télé pendant le repas, un
peu de télé après le repas, histoire de passer un moment de détente en famille; vite la toilette et au dodo, vers vingt-et-une heures, si tout va bien. Le
mercredi, centre de loisirs, toute la journée ; le samedi, courir les supermarchés ;
le dimanche, repos, grasse matinée, farniente – trop crevés des courreries de
la semaine.
Il n’est souvent pas facile de
vivre avec un seul salaire. Alors nous dirons qu’ils ont bien de la chance, ces
enfants dont l’un des parents peut rester à la maison pour s’occuper de leur
éducation.
Chez nous en France, et en
Europe, avant, c’était… différent.
Différent ? Et avant
quoi ? Disons avant l’intrusion de la télé dans les foyers, avant
mai 68, avant l’invasion du numérique. Avant donc, il y avait l'enfant des
villes, qui battait le trottoir, et l'enfant des champs, qui pataugeait dans les mares - des univers bien différents mais habités de gens
véritables et dédiés à l’exercice de leurs sens, de leurs muscles, de
leur intelligence et de leur imagination. Tous deux sont désormais des espèces disparues,
disparues à jamais, remplacées par une seule qui est l’espèce d’enfant qui
passe sa vie assis, face à un écran, le casque sur les oreilles, coupé de son
milieu, qu’on pourrait appeler l'enfant d’un monde virtuel, car il est dans la
télé, dans la vidéo, dans l’ordinateur, dans le téléphone portable, dans l'Internet,
dans la virtualité, réputée plus vraie que la réalité.
L'enfant des villes habitait un
lieu qu'il appelait son quartier, dont il fréquentait l'école. Le quartier
faisait autour de lui comme un village où tout le monde, ou presque, se
connaissait, avec ses petits commerçants, ses petits artisans aux échoppes
ouvertes sur le trottoir. Les adultes s’y rencontraient et les enfants aussi,
qui retrouvaient dans la rue leurs camarades et les jeux de la bande, essayant
d’échapper à la vigilance des parents et des voisins. Ils allaient au cinéma le
jeudi, à la campagne parfois le dimanche, et passaient peut-être leurs vacances
en colonie, à la mer ou à la montagne, avec d'autres enfants.
L'enfant des champs habitait le
village où tout le monde se connaissait, avec ses petits commerçants, ses petits
artisans, avec le maire, le maître d'école, le curé et le garde-champêtre dont il
pouvait croiser le chemin à tout moment de la journée. L’enfant apprenait de
la communauté toutes les leçons de la vie, nécessaires à la vie, de la
naissance à la mort. Les jeudis, les dimanches, pendant les vacances, toute
l'année, il passait le plus clair de son temps avec les copains, les copines.
L'enfant des villes et celui des
campagnes, garçons ou filles, avaient en commun de partager les choses de la
vie avec leurs semblables, concrètement, charnellement, dans la liberté d’un
espace, le quartier, le ban communal, à explorer, à conquérir, à construire,
sous la surveillance et avec l’assentiment des adultes. Ils n'étaient jamais seuls. La nécessité, sans doute, les associait par le travail à
la vie de la famille, mais leurs jeunes vies ne s’en déroulaient pas moins comme
une aventure : ils maniaient le couteau, le briquet, construisaient des
cabanes, cuisaient leur frichti, s’entraidaient, se complétaient, se
colletaient et réglaient leurs différends avec honneur, selon les codes d’une société
enfantine qui se transmettaient, de génération en génération, des plus âgés aux
plus jeunes. Tout cela était parfaitement sensoriel et soumis à l’ardeur des
rapports affectifs directs ; tout cela était réel et vrai.
Ô temps bénis ! dirais-je
sans la moindre hésitation. Vous souriez peut-être, pensant - à juste titre
d’ailleurs - que notre propre enfance, libre des soucis de l’âge adulte, nous
rend toujours nostalgiques et que le temps jadis, tel un paradis perdu, nous
semble toujours meilleur. Mais après avoir pendant près de quarante ans
travaillé et vécu avec des enfants, je crois savoir dissocier la nostalgie du simple constat.
Et je constate que l'enfance, auparavant soumise au dressage qui devait préparer les bons adultes, n’aura connu l’âge d’or qui fut celui de
l’émancipation que pour retomber dans une autre sorte d’aliénation, celle du
plaisir immédiat, du désir tout puissant, qui la laisse en suspension dans
l'égocentrisme, sans guide pour appréhender la vie. Et il me semble que toute
la sollicitude que nous avons aujourd’hui pour les enfants ne fait que les
maintenir plus profondément et plus longtemps dans cet état irréel.
L’enfant d’aujourd’hui, en effet,
apprend la vie dans le cocon d'une famille réduite à sa plus simple expression
– papa et maman, voire seulement l’un des deux -, auquel s’ajoutent d’autres
cocons, les structures gérées par des professionnels de l’enfance, crèches,
garderies, associations diverses et variées, et puis l'école, bien sûr. Dans cet environnement balisé
où la coopération et la confrontation avec l’autre enfant, son égal, sont
éludées ou organisées, il lui est permis, et parfois
demandé, d’exercer très tôt des compétences d’adulte, il lui est demandé de comprendre et
par conséquent d’être responsable. A bien des égards traité comme un adulte, il
se considère l’égal des adultes. On ne s’étonnera donc pas qu’il ait du mal à renoncer
à ce confort, à cette sécurité, à cette puissance, et qu’il ne le fasse que le
plus tard possible, et parfois au-delà du raisonnable, vers trente ou quarante ans.
Mais cela ne fonctionne que dans la mesure où l’entourage l’accepte et présente
quelques sérieux inconvénients.
Tandis que se multipliaient
déclarations solennelles des droits de l’enfant, législations et structures en
faveur de la protection de l’enfance, l’enfant lui-même s’est vu de plus en
plus cerné, contrôlé, formaté, par et pour notre société dite de consommation, et
paradoxalement privé de ses plus belles libertés, celles d’aller et venir à sa
guise, de prendre des risques, de s’ennuyer, de s’inventer, de se révolter. Toujours
entre quatre murs, à l’abri du dehors et de ses dangers, souvent sans fratrie, ne voyant plus guère ses parents, chacun de son côté obligé de courir les
routes pour travailler ou pourvoir au ravitaillement du foyer, cet enfant solitaire
est sous la surveillance constante d’adultes, puéricultrices, nourrices,
enseignants, animateurs, qui organisent pour lui son espace et son temps.
Il s'enferme enfin dans un ultime cocon,
plus douillet encore que le cercle de famille, dans lequel rien de fâcheux ne
peut lui arriver et qui pourtant a les apparences du monde, c’est celui que forme
l’enfant avec lui-même quand il se place sous influence par la grâce des ondes
ou du cordon à débit de plus en plus haut qui le relient à la télé, à
l’ordinateur, au téléphone portable, objets qui l’accaparent désormais partout et ne
s’éteignent jamais.
Les adultes savent sans doute
faire la part des choses, séparer le futile de l’utile, l’important de
l’anecdotique, le vrai du faux, le bon du mauvais. L’enfant, lui, ne sait rien,
il ne juge qu’à l’aune de ses plaisirs et de ses contrariétés. Telle une
éponge, il ingurgite benoîtement ce qui lui est proposé, l’intègre et se coule ainsi
peu à peu dans le moule de la pensée
mercantile triomphante. Et il n’y pas beaucoup d’adultes pour le mettre
en garde, par manque de temps, de moins en moins même, parce qu'eux aussi sont désormais sous influence.
Ainsi l’enfant ne peut-il pas
savoir, pas même imaginer, ce que l’enfance a perdu. Par la fenêtre de la
garderie, attendant que ses parents viennent le reprendre, il peut bien
regarder le paysage, la ville ou le village, puis par la fenêtre de la voiture
voir défiler la nature, les prés, les bois, mais il ne sait rien de ce qui se
passe là-dehors, rien du parfum des fleurs, ni du chant des oiseaux, ni de la
caresse du vent, rien non plus des autres enfants, solitaires comme lui, qui
contemplent, derrière d’autres fenêtres, un monde désertifié.
L’espace public n’est plus qu’un
lieu de circulation, de passage, où nos trajectoires ne se croisent plus comme
autrefois - bonjour, pardon, je vous en prie, vous n'auriez pas..., comment aller à... -, quand on vivait au dehors autant que chez soi, qu’on se parlait au travail,
au jardin, sur la place, chez le boucher, au café, au bal du samedi soir, que les
enfants aussi avaient des lieux où se retrouver tous ensemble.
Toute la relation humaine, ou
presque, se cantonne à présent dans le huis clos des logis, ou bien à distance,
par le canal du téléphone et de l’e-mail, dans le tête à tête avec la machine. Sinon
pourquoi cette invention de la fête des voisins ? Avant, ça ne serait venu
à l’idée de personne. Ainsi le monde des enfants d’aujourd’hui est bel et bien un
monde virtuel, une copie désincarnée du réel, dans laquelle s’agitent, à une vitesse fulgurante, des êtres sans
chair, intouchables et froids, et qui ne peuvent eux-mêmes les toucher. A vivre, nos enfants
préfèrent le rêve sur un quelconque jeu de console. Au lieu de grandir avec un
petit chien, ils élèvent un tamagotchi, un rien qui loge dans une puce. A la
rencontre sur un terrain de sport, ils suppléent par un match contre la « wii ».
Et alors qu’ils pourraient librement parcourir les sentiers près de chez eux, il
leur faut plutôt l’aventure programmée des parcs d’attractions, ou bien, passifs,
survoler du monde ce que l’oeil d'une caméra veut bien leur montrer.
Tout de même, Internet leur ouvre
grand les « autoroutes du savoir » ! Il a suffi qu’un ministre
de l’Education Nationale lance cette formule et voilà justifiée l’addiction à
l’information en continu, pléthorique et instantanée. Comme l'on se sent heureux de constater qu'on trouve tout sur
Internet, et en temps réel ! Là aussi, la formule doit frapper
l’imagination : vous êtes censés rester cois de stupéfaction admirative. Mais
de quel savoir parle-t-on ? Qui fait pour les enfants, et pour nous, le
tri dans cet océan de futilités, de faits divers, de blagues, de canulars, de
sollicitations commerciales, de séductions éhontées, de malveillances ? Alors
on picore ce qu’on trouve, au petit bonheur, et on finit par s’abandonner à la
facilité du clic, tout étourdi de nouveautés choisies spécialement pour nous par Google.
Internet ouvre aussi les
autoroutes de la communication, toujours d’un clic, avec des abréviations et
des icônes pour remplacer l’expression des sentiments. Que c’est facile, que
c’est beau ! Dire que nous, adultes, nous extasions souvent sur la
dextérité des enfants à manipuler tous ces petits bidules branchés. Sans voir
qu’il s’agit d’une communication tronquée, partiale, cachottière, trompeuse, et
finalement anonyme. Sans voir que, dans ce monde virtuel, la publicité
omniprésente transforme l’enfant d’abord en une cible consciencieusement
mitraillée, avant d'en faire sa marchandise.
Ainsi la pub lui dit ce qu’il
doit boire et manger, ce qu’il doit voir et écouter, ce qu’il doit posséder, ce
qu’il doit penser. C’est inévitable, c’est le progrès ! Comme chacun sait,
le progrès ne s’arrête jamais. J’entendais déjà quelques hurluberlus médiatisés
se réjouir comme d’un bienfait que bientôt soit supprimé l’enseignant au profit
de l’enseignement à distance - et ce sera interactif, hein ! Alors, ce sera formidable !
Comme si le maître d’école ne l’était pas, interactif.
Placé au centre de cette immense toile,
l’enfant n’a pas le rôle de l’araignée. Il est la mouche, le prisonnier. Bientôt
l'état d’enfance lui-même passera dans la virtualité. Déjà l’on devine, à certains
discours de publicitaires, de pédagogues, de psychologues, que le temps de
l’enfance innocente, naïve, désintéressée, décalée, qui pense encore le monde
autrement, qui s’amuse et s’instruit d’un rien et sans frais, qui se construit si lentement, est en fait un temps perdu dans une société d’économie libérale.
Les enfants sont ainsi encouragés
très tôt à imiter les comportements sociaux et sexués des adultes, et en premier
lieu ceux qui exigent qu’on achète quelque chose. A peine ils tiennent debout,
les bambins trouvent au supermarché le petit chariot qu’ils pourront remplir au
rythme de leurs envies ; les petites filles déjà angoissées par les
ravages du temps se tartinent de crème anti-ride et les petits garçons,
tatouage et piercing, enseignent à leur papa comment choisir son automobile. Encouragés
à prendre le pouvoir, et tout soumis qu’ils sont à la fascination de la
publicité, du must, du buzz, du cool, de l’indispensable nouveauté, ils deviendront
vite des enfants rois qui imposeront leur frénésie de consommation à leur
entourage, et avec sa complicité encore.
« Vous ne trouvez pas qu'ils
sont plus éveillés que nous au même âge ? » Me disait récemment une dame, tout
attendrie et « bluffée » par le génie de sa progéniture.
« Non, madame, je crois au
contraire qu’ils pourraient bien l’être moins. Tout dépend de ce à quoi vous voudriez les éveiller. »
Sans doute les enfants de nos
jours savent utiliser toutes sortes de machines, d’une manière « intuitive »
et efficace, sans se poser de questions, quand nous-mêmes perdons du temps à
lire la notice (quand elle existe) et nous escrimons à essayer de comprendre ce
qui ne nous est pas expliqué. Faut-il s’en féliciter ? La question, me
semble-t-il, n’était pas évidente, mais puisque la voilà posée, il y faut bien
une réponse.
Cette différence de comportement me
paraît découler d’une différence fondamentale des modes de penser. Pour un
nombre croissant d’enfants et d’adultes, rien ne doit être difficile, toute
simplification d’une tâche est un progrès. Ainsi la lecture ne leur servirait plus à
grand’ chose puisque, par exemple, le texte explicatif sur les aliments et les
biens de consommation courante est maintenant remplacé par des couleurs, des
pictogrammes, des logos et de petites bandes dessinées. Signe évident d’un
appauvrissement culturel. De manière générale, l'enfant qui est dans le virtuel estime devoir être en
mesure de savoir sans avoir besoin d’apprendre. Tout en un coup d’œil, comme en
un seul clic.
Se
développe parallèlement, spécialement pour la jeunesse, une culture
époustouflante de bassesse et de bêtise : Télétubbies, Lapins Crétins,
slime morveux, championnat de game-boy, tout sur ta rock star préférée, la
télé-réalité qui ne donne à voir que des sentiments scénarisés, du virtuel, du
vent. Ainsi se fabriquent des générations de jouisseurs impatients, paresseux,
vains, dénués de curiosité, ignorants et fiers de l’être. Notre « environnement »
nous conditionne, tels des rats de laboratoire, à suivre et sans cesse recommencer un parcours immuable
au bout duquel, après avoir abondamment salivé, nous recevons la suprême gratification d'un nouvel objet, encore plus facile à utiliser, présenté comme une prouesse technologique,
100% ludique, fait pour nous épargner l'effort.
Cherche-t-on à savoir si un autre
parcours est possible, s’il existe une autre manière de jouir de la vie ?
Imagine-t-on que la difficulté même du parcours pourrait être consubstantielle
au bonheur ?
« Oui, madame, les enfants
d’aujourd’hui sont plus éveillés, si vous considérez le fait qu’ils ont plus
tôt que nous, et souvent en dehors de tout contrôle, connaissance des vicissitudes
de la société des adultes, amoralité, violence et pornographie comprises. »
Les bandes des « quartiers » s’affrontent à la machette, le CM2
rackette le CP, le viol collectif relève de la sexualité normale, l’avortement
des fillettes est toujours d’actualité, le premier pétard se fume avant la puberté,
les profs de collège se font insulter… What else ?
Sans doute les enfants voteront-ils
bientôt à seize ans, et peut-être même à quinze, assurés que sont nos maîtres, les seigneurs du capital et les politiciens qui les servent, que ces enfants-là auront été non éduqués, privés des outils qui
leur permettraient de comprendre le monde, et convenablement formatés afin de
perpétuer le statu quo social, dans l’illusion des facilités infinies.
Je sais que vous ne vous
reconnaissez pas dans ce portrait, ni comme parent, ni comme enfant. Vous
pensez en outre qu’il s’agit d’une caricature. C’en serait une, en effet, si de
tels enfants n’existaient pas. Mais je les ai rencontrés, de plus en plus nombreux, au cours des vingt dernières années, en vertu de quoi je me risque à généraliser, à y voir
un fait de société.
Dans votre cas, bien sûr, il faut nuancer."
(à suivre)
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