jeudi 4 juillet 2019

L’école de la confiance (c'est gonflé !)


Avant de vous dévoiler, comme promis, les principes qui feraient que chaque élève réussisse son parcours scolaire, il me faut mettre à jour mes informations. Pour cela s’impose un retour sur la dernière réforme, annoncée en 2017 par M. Blanquer, instituant « l’Ecole de la Confiance ». Voyons ce qu’il en est, à travers des extraits de textes publiés sur le site national du MEN. (Mes commentaires sont en italique.)

La bonne intention est dans le titre :
« […] mesures pour lutter efficacement contre les inégalités et renforcer la réussite des élèves et le dialogue avec les familles.

1. LA PRIORITÉ À L’ÉCOLE PRIMAIRE
Tous les élèves doivent maîtriser les savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter, respecter autrui) à la fin de l’école primaire. Ce n’est pas le cas aujourd’hui pour 20 % des élèves. »
Ça commence par une évidence et une déclaration d’intention justifiée par un constat : rien n’a changé, malgré 50 ans de réformes. 20% d’élèves ne sachant pas lire correctement à la sortie de l’école est en effet le même chiffre qu’en 1973, l’année où je quittais l’Ecole Normale. Il est par ailleurs étonnant mais révélateur que « respecter autrui » soit compté comme un savoir.

« […] 100 % des CP en Rep+ (éducation prioritaire renforcée) divisés par deux, soit 12 élèves par classe. Aux rentrées 2018 et 2019, le dédoublement des classes concernera les CP et CE1 en Rep et Rep+. »
La priorité aux REP, ce n’est pas la priorité à l’école primaire : que fait-on pour les établissements non classés REP, où il y a aussi des élèves en difficulté » ?

« 2. L’ASSOUPLISSEMENT DES RYTHMES SCOLAIRES
[…] possibilité d’une dérogation dans l’organisation du temps scolaire, déjà 1/3 des communes ont adopté la semaine de 4 jours. »
Voici que, sous la pression des parents et des élus, pour des raisons économiques et comptables, un simple retour à la situation d’avant est présenté comme une mesure de progrès. Y a-t-il réflexion en cours sur l’influence des rythmes scolaires sur la réussite des élèves ? Evidemment, non. Sujet trop délicat. Preuve en est…

« 3. UN COLLÈGE PLUS SOUPLE ET ENRICHI
Les classes bilangues sont rétablies et un véritable enseignement du latin et du grec est créé. »
Là encore, il s’agit, par un retour en arrière, de faire plaisir.

« 4. LA MISE EN APPLICATION DU PROGRAMME "DEVOIRS FAITS"
[…] les élèves volontaires pourront bénéficier gratuitement, au sein de leur collège, d’une aide appropriée pour effectuer leurs devoirs. […] des stages de réussite sont également proposés aux élèves volontaires […] d’une durée de 15 heures (3 heures quotidiennes pendant 5 jours). »
Pour les petits rattrapages, c’est bien, mais pour les élèves en grande difficulté, c’est ajouter de la peine à la peine ; ils ne seront pas volontaires. (Au fait, qui donc a la responsabilité de contrôler si les devoirs sont faits ? Les parents, non ?)

« 5. DES ÉVALUATIONS POUR AIDER AU PROGRÈS DES ÉLÈVES
Les acquis des élèves de CP seront évalués en septembre et ceux de 6ème en novembre. La mise en place de la culture de l’évaluation sera poursuivie […] et l’évaluation des acquis des élèves tout au long de leur parcours pour apporter des réponses mieux adaptées à leurs besoins. »
Toujours rien de neuf. Tout ceci se fait déjà.

« 6. LA PRIORITÉ ACCORDÉE AUX ÉLÈVES EN SITUATION D’HANDICAP
 A la rentrée 2017, 8068 emplois sont créés pour accueillir plus d’enfants et améliorer les conditions de leur scolarité. »
Depuis, en réalité, il y a eu chaque année moins de postes pour l’accompagnement scolaire des enfants avec handicap.

« 7. SÉCURISATION DES ÉCOLES ET DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES
La diffusion d’une culture partagée de la sécurité est plus que jamais l’un des objectifs de l’École afin de prévenir les menaces et de protéger au mieux les élèves et les personnels. »
Etre protéger des violences ne garantit pas de réussir son parcours scolaire.

« 8. AUGMENTATION DU BUDGET DE L’ÉDUCATION NATIONALE
Le budget devrait dépasser les 50 milliards […] sera consacré en priorité à l’école primaire. »
Toujours plus d’argent ! Sans doute pour payer les profs des classes dédoublées…

« 9. LA RENTRÉE 2017 SE FERA EN MUSIQUE
Le but est de faire de la rentée un moment de joie. »
Yop là, boum !

Le reste est à l’avenant : des petits bouts de sparadrap sur une jambe de bois.
Qui peut sérieusement croire ces mesures-là susceptibles de révolutionner l’enseignement ?

* * * * * * *

Et voici ce qui se lisait à propos de la loi « l’école de la confiance », sur le site du MEN, deux ans après, en mai 2019.
Les titres, le classement et les commentaires sont les miens :

- des mesures qui entérinent une situation existante :
« […] en cas d’absentéisme scolaire une retenue sur les allocations familiales versées aux parents d’enfants de moins de seize ans. »
Ça existait déjà.

 « Le projet de loi abaisse l’âge de l’instruction obligatoire de six à trois ans. »
Les enfants de trois ans sont déjà scolarisés à 97,5 %.

« La formation des enseignants est majoritairement consacrée aux savoirs disciplinaires fondamentaux et à la connaissance des valeurs de la République. »
Doit-on comprendre qu’auparavant les futurs profs n’apprenaient pas à enseigner… et qu’ils n’étaient pas assez républicains !

« Les écoles publiques ou privées peuvent mener des expérimentations pédagogiques limitées dans le temps qui peuvent porter sur l’organisation de la classe ou de l’école, l’utilisation des outils numériques ou encore la répartition des heures d’enseignement sur l’année scolaire. »
Nouvelles libertés ? Non, car il était déjà possible (de mon temps !) de procéder à ces aménagements qui se décidaient en conseil d’école.

- la mesure qui crée une certaine liberté de concurrence :
« Les collectivités territoriales peuvent créer des établissements publics locaux d’enseignement international... »
Préparer à des diplômes internationaux, c’est bien, mais si l’état délègue cette mission, les citoyens, selon le territoire qu’ils habitent, ne seront plus (enfin encore moins) égaux face à l’offre de formation.

- les mesures qui renforcent le centralisme et le contrôle du gouvernement sur l’école :
« La formation des enseignants s’appuie sur les travaux de recherche portant sur les "méthodes pédagogiques les plus efficaces". » 
Et qui va décider de l’efficacité des méthodes pédagogiques ? Les mêmes experts qu’il y a trente ans ? Les mêmes hauts fonctionnaires inamovibles, tels que M. Blanquer ? La réponse est dans l’article suivant :

« Le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) est remplacé par un Conseil d’évaluation de l’école qui a notamment pour mission de produire le cadre méthodologique et les outils d’évaluation régulière des établissements conduite par le Ministère de l’éducation nationale. »
On prend les mêmes, on change le nom, pour finir par créer un palmarès des écoles. Ca peut sembler normal. Et ce le serait si les situations des écoles étaient comparables, si leur mise en concurrence n’était pas faussée par le milieu où elles se trouvent, le public qu’elles accueillent.

 « Le référentiel de la formation dispensée (aux étudiants qui se destinent au professorat) dans les instituts est défini par les ministres en charge de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur. »
En tout, c’est le politique qui décide. Etait-il si urgent de le préciser ?

- la mesure qui semble ne changer que le nom :
« Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé) deviennent les Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat. »
La formation des profs devient nationale et se voit apparemment séparée des autres filières « sciences de l’éducation ». Fort bien. Pourquoi pas un retour au fonctionnement des Ecoles Normales ?

- la mesure qui va faire économiser des sous :
 « Le texte prévoit que les assistants d’éducation et les surveillants peuvent se voir confier des fonctions d’enseignement … »

- la petite aumône aux TOM :
« Le texte crée un rectorat à Mayotte. »

« Les cartes de France affichées dans les salles de classe d’établissement du premier et du second degrés doivent représenter les territoires français d’outre-mer. »

- la mesure qui fait plaisir à toutes sortes de patriotes :
« L’affichage de la devise de la République est obligatoire dans les salles de classe des établissements des premiers et seconds degrés publics ou privés sous contrat au même titre que l’emblème national de la République française, le drapeau tricolore, le drapeau européen et les paroles de l’hymne national. »
Bientôt la photo du président ?

- des questions qui pouvaient se régler sur le terrain :
« […] les formulaires scolaires comportent une double mention "père" et une double mention "mère" afin de permettre aux couples homoparentaux de pouvoir cocher deux cases du même sexe. »

 « Le Sénat a étendu aux personnes qui accompagnent les sorties scolaires l’interdiction de porter des signes religieux ostentatoires. »

- la mesure floue :
« Un critère de mixité sociale reposant sur le revenu médian des foyers fiscaux auxquels sont rattachés les élèves de l’établissement est intégré lors de toute modification de la carte scolaire. »
On ne sait pas quel critère, et ce ne sera qu’en cas de révision de la carte scolaire. On n’aura qu’à pas réviser ?!

- enfin une mesure de bon sens :
 « Une première visite médicale est obligatoire pour les enfants entre trois et quatre ans afin de dépister des troubles de santé. »
J’ai connu le temps où le médecin ou l’infirmière scolaires venaient en maternelle et au CP pour ces dépistages, puis celui où il n’y venaient plus, faute de crédits, et où je faisais moi-même au moins le contrôle de l’ouie et de la vue. Ici, il est bien sûr question que les parents aillent chez leur médecin traitant.

Qui peut sérieusement croire qu’avec de si pauvres intentions, on va redonner confiance aux élèves, aux familles ou aux enseignants ?
Encore une fois, rien ne changera parce que le ministre ne s’attaque pas aux causes de l’échec scolaire. Sans doute par crainte de froisser l’électeur.


Bon, la prochaine fois : les principes… Promis !

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