Avant
de vous dévoiler, comme promis, les principes qui feraient que chaque élève
réussisse son parcours scolaire, il me faut mettre à jour mes informations.
Pour cela s’impose un retour sur la dernière réforme, annoncée en 2017 par M. Blanquer,
instituant « l’Ecole de la Confiance ». Voyons ce qu’il en est, à
travers des extraits de textes publiés sur le site national du MEN. (Mes
commentaires sont en italique.)
La
bonne intention est dans le titre :
« […]
mesures pour lutter efficacement contre les inégalités et renforcer la réussite
des élèves et le dialogue avec les familles.
1. LA PRIORITÉ À L’ÉCOLE PRIMAIRE
Tous
les élèves doivent maîtriser les savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter,
respecter autrui) à la fin de l’école primaire. Ce n’est pas le cas aujourd’hui
pour 20 % des élèves. »
Ça commence par
une évidence et une déclaration d’intention justifiée par un constat : rien
n’a changé, malgré 50 ans de réformes. 20% d’élèves ne sachant pas lire
correctement à la sortie de l’école est en effet le même chiffre qu’en 1973,
l’année où je quittais l’Ecole Normale. Il est par ailleurs étonnant mais
révélateur que « respecter autrui » soit compté comme un savoir.
« […]
100 % des CP en Rep+ (éducation prioritaire renforcée) divisés par deux, soit
12 élèves par classe. Aux rentrées 2018 et 2019, le dédoublement des classes
concernera les CP et CE1 en Rep et Rep+. »
La priorité aux
REP, ce n’est pas la priorité à l’école primaire : que fait-on pour les
établissements non classés REP, où il y a aussi des élèves en difficulté » ?
« 2. L’ASSOUPLISSEMENT DES RYTHMES
SCOLAIRES
[…] possibilité
d’une dérogation dans l’organisation du temps scolaire, déjà 1/3 des communes
ont adopté la semaine de 4 jours. »
Voici que, sous la
pression des parents et des élus, pour des raisons économiques et comptables, un
simple retour à la situation d’avant est présenté comme une mesure de progrès.
Y a-t-il réflexion en cours sur l’influence des rythmes scolaires sur la
réussite des élèves ? Evidemment, non. Sujet trop délicat. Preuve en est…
« 3. UN COLLÈGE PLUS SOUPLE ET ENRICHI
Les
classes bilangues sont rétablies et un véritable enseignement du latin et du
grec est créé. »
Là encore, il
s’agit, par un retour en arrière, de faire plaisir.
« 4. LA MISE EN APPLICATION DU PROGRAMME
"DEVOIRS FAITS"
[…] les
élèves volontaires pourront bénéficier gratuitement, au sein de leur collège, d’une
aide appropriée pour effectuer leurs devoirs. […] des stages de réussite sont
également proposés aux élèves volontaires […] d’une durée de 15 heures (3
heures quotidiennes pendant 5 jours). »
Pour les petits
rattrapages, c’est bien, mais pour les élèves en grande difficulté, c’est
ajouter de la peine à la peine ; ils ne seront pas volontaires. (Au fait,
qui donc a la responsabilité de contrôler si les devoirs sont faits ? Les
parents, non ?)
« 5. DES ÉVALUATIONS POUR AIDER AU PROGRÈS
DES ÉLÈVES
Les acquis
des élèves de CP seront évalués en septembre et ceux de 6ème en novembre. La
mise en place de la culture de l’évaluation sera poursuivie […] et l’évaluation
des acquis des élèves tout au long de leur parcours pour apporter des réponses
mieux adaptées à leurs besoins. »
Toujours rien de
neuf. Tout ceci se fait déjà.
« 6. LA PRIORITÉ ACCORDÉE AUX ÉLÈVES EN
SITUATION D’HANDICAP
A la rentrée 2017, 8068 emplois sont créés
pour accueillir plus d’enfants et améliorer les conditions de leur scolarité. »
Depuis, en
réalité, il y a eu chaque année moins de postes pour l’accompagnement scolaire
des enfants avec handicap.
« 7. SÉCURISATION DES ÉCOLES ET DES
ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES
La
diffusion d’une culture partagée de la sécurité est plus que jamais l’un des
objectifs de l’École afin de prévenir les menaces et de protéger au mieux les
élèves et les personnels. »
Etre protéger des
violences ne garantit pas de réussir son parcours scolaire.
« 8. AUGMENTATION DU BUDGET DE L’ÉDUCATION
NATIONALE
Le
budget devrait dépasser les 50 milliards […] sera consacré en priorité à
l’école primaire. »
Toujours plus
d’argent ! Sans doute pour payer les profs des classes dédoublées…
« 9. LA RENTRÉE 2017 SE FERA EN MUSIQUE
Le but
est de faire de la rentée un moment de joie. »
Yop là, boum !
Le
reste est à l’avenant : des petits bouts de sparadrap sur une jambe de
bois.
Qui
peut sérieusement croire ces mesures-là susceptibles de révolutionner
l’enseignement ?
* * * * * * *
Et
voici ce qui se lisait à propos de la loi « l’école de la
confiance », sur le site du MEN, deux ans après, en mai 2019.
Les
titres, le classement et les commentaires sont les miens :
- des mesures qui entérinent une situation
existante :
« […]
en cas d’absentéisme scolaire une retenue sur les allocations familiales versées aux parents d’enfants de moins de seize
ans. »
Ça existait déjà.
« Le projet de loi abaisse l’âge de
l’instruction obligatoire de six à trois ans. »
Les enfants de trois
ans sont déjà scolarisés à 97,5 %.
« La
formation des enseignants est majoritairement consacrée aux savoirs
disciplinaires fondamentaux et à la connaissance des valeurs de la République. »
Doit-on comprendre
qu’auparavant les futurs profs n’apprenaient pas à enseigner… et qu’ils n’étaient
pas assez républicains !
« Les
écoles publiques ou privées peuvent mener des expérimentations pédagogiques limitées dans le
temps qui peuvent porter sur
l’organisation de la classe ou de l’école, l’utilisation des outils numériques
ou encore la répartition des heures d’enseignement sur l’année scolaire. »
Nouvelles
libertés ? Non, car il était déjà possible (de mon temps !) de procéder
à ces aménagements qui se décidaient en conseil d’école.
- la mesure qui crée une certaine liberté de
concurrence :
« Les
collectivités territoriales peuvent créer des établissements publics locaux d’enseignement
international... »
Préparer à des
diplômes internationaux, c’est bien, mais si l’état délègue cette mission, les
citoyens, selon le territoire qu’ils habitent, ne seront plus (enfin encore moins)
égaux face à l’offre de formation.
- les mesures qui renforcent le centralisme
et le contrôle du gouvernement sur l’école :
« La
formation des enseignants s’appuie sur les travaux de recherche portant sur les
"méthodes
pédagogiques les plus efficaces". »
Et qui va décider
de l’efficacité des méthodes pédagogiques ? Les mêmes experts qu’il y a
trente ans ? Les mêmes hauts fonctionnaires inamovibles, tels que M.
Blanquer ? La réponse est dans l’article suivant :
« Le
Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) est remplacé par un Conseil
d’évaluation de l’école qui a notamment
pour mission de produire le cadre méthodologique et
les outils
d’évaluation régulière des établissements conduite par le Ministère de
l’éducation nationale. »
On prend les
mêmes, on change le nom, pour finir par créer un palmarès des écoles. Ca peut
sembler normal. Et ce le serait si les situations des écoles étaient
comparables, si leur mise en concurrence n’était pas faussée par le milieu où
elles se trouvent, le public qu’elles accueillent.
« Le référentiel de la formation dispensée (aux
étudiants qui se destinent au professorat) dans les instituts est défini par
les ministres en charge de l’éducation
nationale et de l’enseignement supérieur. »
En tout, c’est le
politique qui décide. Etait-il si urgent de le préciser ?
- la mesure qui semble ne changer que le nom :
« Les
écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé) deviennent les Instituts Nationaux
Supérieurs du Professorat. »
La formation des
profs devient nationale et se voit apparemment séparée des autres filières « sciences
de l’éducation ». Fort bien. Pourquoi pas un retour au fonctionnement des
Ecoles Normales ?
- la mesure qui va faire économiser des sous :
« Le texte prévoit que les assistants
d’éducation et les surveillants peuvent se voir confier des fonctions
d’enseignement … »
- la petite aumône aux TOM :
« Le
texte crée un rectorat à Mayotte. »
« Les cartes de France affichées dans les salles de classe
d’établissement du premier et du second degrés doivent représenter les territoires français
d’outre-mer. »
- la mesure qui fait plaisir à toutes sortes
de patriotes :
« L’affichage
de la
devise de la République est obligatoire
dans les salles de classe des établissements des premiers et seconds degrés
publics ou privés sous contrat au même titre que l’emblème national de la République française, le drapeau tricolore, le drapeau européen et les paroles de
l’hymne national. »
Bientôt la photo
du président ?
- des questions qui pouvaient se régler sur
le terrain :
« […]
les formulaires scolaires comportent une double mention "père" et une
double mention "mère" afin de
permettre aux couples homoparentaux de pouvoir cocher deux cases du même sexe. »
« Le Sénat a étendu aux personnes qui
accompagnent les sorties scolaires l’interdiction de porter des signes religieux ostentatoires. »
- la mesure floue :
« Un critère de
mixité sociale reposant sur le revenu
médian des foyers fiscaux auxquels sont rattachés les élèves de l’établissement
est intégré lors de toute modification de la carte scolaire. »
On ne sait pas
quel critère, et ce ne sera qu’en cas de révision de la carte scolaire. On n’aura
qu’à pas réviser ?!
- enfin une mesure de bon sens :
« Une première visite médicale est
obligatoire pour les enfants entre trois et
quatre ans afin de dépister des troubles de santé. »
J’ai connu le
temps où le médecin ou l’infirmière scolaires venaient en maternelle et au CP
pour ces dépistages, puis celui où il n’y venaient plus, faute de crédits, et
où je faisais moi-même au moins le contrôle de l’ouie et de la vue. Ici, il est
bien sûr question que les parents aillent chez leur médecin traitant.
Qui
peut sérieusement croire qu’avec de si pauvres intentions, on va redonner
confiance aux élèves, aux familles ou aux enseignants ?
Encore
une fois, rien ne changera parce que le ministre ne s’attaque pas aux causes de
l’échec scolaire. Sans doute par crainte de froisser l’électeur.
Bon, la
prochaine fois : les principes… Promis !
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